S’installer dans un nouveau pays, c’est plus qu’un changement d’adresse. C’est une aventure qui transforme et qui bouscule. Laurène Mirindi en sait quelque chose. Originaire de la République démocratique du Congo, elle a parcouru le monde avant de poser ses valises à Québec. Son histoire est celle d’une professionnelle aguerrie qui a su se réinventer et s’adapter à chacune des étapes de son parcours de vie.

Le parcours d’une citoyenne du monde
Avant d’arriver au Québec en 2020, Laurène avait déjà vécu et travaillé dans sept pays, dont le Burundi, le Kenya, la Zambie, l’Angleterre, la République démocratique du Congo, le Burkina Faso et la Belgique. Ses multiples expériences l’ont amenée à devenir bilingue, naviguant entre le français et l’anglais selon les contextes. Elle a aussi occupé des postes de haute direction, notamment celui de directrice des ressources humaines dans une mine employant plus de 1 000 travailleurs.
Quand on lui demande ce qui l’a finalement amenée au Québec, elle nous répond d’un ton rieur « J’aime toujours dire que c’est le Québec qui m’a choisi! Je suis tombée en amour avec un Québécois et qui prend mari prend pays! ». Après avoir rencontré son conjoint au Burkina Faso, le couple recherchait un endroit où s’installer et bâtir leur avenir ensemble. Le Québec faisait à ce moment partie des options. Cependant, l’aventure canadienne de Laurène a commencé au Nouveau-Brunswick en 2017, où elle a dû jongler avec une nouvelle réalité : un environnement très différent de ceux qu’elle avait explorés auparavant. Et puis, c’est en 2020 que son parcours a pris un nouveau tournant lorsqu’elle et son conjoint se sont installés à Québec.
Un coup de cœur pour la ville de Québec
Avant d’arriver à Québec, Laurène a testé plusieurs milieux de vie. « J’ai fait une grande partie de ma vie à Bruxelles et j’ai aussi vécu à Londres… J’aime ce que les grandes villes peuvent offrir, notamment pour la culture. Moncton était trop petite pour moi et Montréal trop grande. Je voulais une ville intermédiaire. Québec, c’est une grande ville, mais avec un côté village. » Son quartier de Beauport lui offre la diversité qu’elle aime : « En 15 minutes, je peux être dans le Vieux-Québec ou dans un champ de vaches à l’île d’Orléans. Et puis là où je suis, mes voisins sont gentils : quand je ne suis pas là, ils déneigent chez moi! », raconte-t-elle en riant.
Relever les défis de la recherche d’emploi
Une fois à Québec, Laurène a affronté quelques défis, mais s’est considérée assez chanceuse comparé à d’autres : « Je ne venais pas toute seule, je venais avec un bagage et j’avais un conjoint québécois qui a pu m’aider et qui avait ses connaissances. »
Malgré son expérience, Laurène a rapidement réalisé que l’intégration professionnelle au Québec pouvait être ardue. « J’ai dû descendre beaucoup en termes de carrière… il y a certaines ambitions auxquelles on renonce », confie-t-elle. La reconnaissance des diplômes s’est révélée être un véritable casse-tête. « Mes diplômes avaient déjà été reconnus dans le Canada, au niveau fédéral, mais en arrivant au Québec, il a fallu tout recommencer. Je trouvais ça assez fastidieux. »
Elle a finalement eu la chance de tomber sur Walmart, qui lui a fait confiance en l’engageant comme conseillère en ressources humaines, sur la base des diplômes reconnus au niveau fédéral. « Les multinationales ont une vision plus ouverte et sont souvent prêtes à miser sur les compétences plutôt que les diplômes. Je me suis donc retrouvée à occuper un poste de conseillère en ressources humaines. J’ai eu cette chance-là. Et j’ai occupé ce poste pendant 3 ans et demi », explique-t-elle. À ce moment, puisqu’elle prévoit faire sa carrière et sa vie au Québec, Laurène a aussi passé son examen d’équivalence auprès de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, ce qui fait d’elle officiellement une CRHA.
En ce qui concerne l’ouverture des multinationales, Laurène précise que les grandes entreprises ont souvent des standards de gestion uniformisés à l’échelle mondiale. « Quand j’ai travaillé en Afrique pour le groupe Nestlé, les standards de gestion des ressources humaines étaient pareils, que ce soit Nestlé Congo, Nestlé France, Nestlé Italie ou Nestlé Canada. Ils ont le même processus, qui est juste un peu adapté au pays. »
Les codes culturels au travail : un apprentissage essentiel
Travailler dans un nouvel environnement, c’est aussi apprendre un langage non verbal et des subtilités culturelles. « Dans la même situation, un Congolais ne réagira pas de la même façon qu’un Québécois. Par exemple, la notion du temps n’est pas la même ici qu’en Afrique. Si quelqu’un dit « Je veux les dossiers rapidement. », ça ne veut pas dire la même chose », observe Laurène.
Les interactions professionnelles sont souvent marquées par des différences culturelles qui ne sont pas toujours évidentes à saisir. « En travaillant avec des Russes, j’ai appris que c’est important de donner des compliments. Par exemple, aujourd’hui, c’est la Saint-Valentin. Si tu as des collègues qui arrivent et que tu ne leur dis pas « Bonne Saint-Valentin, tu as une belle coiffure », les gens le prennent mal. Au Québec, un compliment sur l’apparence d’une collègue peut être perçu comme inapproprié », explique Laurène.
Elle cite un autre exemple vécu lors de son expérience à l’international : « En Belgique, les collègues se font la bise, homme-femme, chaque matin. Si tu ne fais pas la bise à ton collègue, la personne va penser que tu ne
l’aimes pas ».
Finalement, elle nous présente des exemples bien québécois : « Regarder dans les yeux, en Afrique, c’est très impoli. J’ai dû apprendre à regarder les personnes dans les yeux. Aussi, le tutoiement qu’on fait au Québec, ailleurs, c’est tellement mal vu. » Ces petits détails, lorsqu’ils ne sont pas bien compris, peuvent compliquer l’intégration.
Consciente de ces enjeux, Laurène a appris à naviguer entre ces codes sociaux en posant des questions et en observant son entourage. « Heureusement, j’avais un ‘professeur’ à la maison – mon conjoint québécois ! »
L’importance de la formation culturelle en entreprise
Lorsqu’elle a travaillé au Burkina Faso, Laurène a été confrontée à un choc culturel important. Employée dans une mine appartenant aux Russes, mais dirigée par des Canadiens, elle a observé des incompréhensions majeures entre les différentes nationalités. « Les Canadiens ne comprenaient pas les Russes, et vice versa ». Ajoutez à cela la culture locale burkinabé et vous avez un véritable défi de communication interculturelle.
Pour pallier ces enjeux, son entreprise a mis en place des formations. « Nous avons instauré des cours pour expliquer les différences culturelles et aider les employés à mieux comprendre les réactions et attentes de chacun. Un Canadien ne pense pas comme un Français, un Russe ou un Africain. Donc c’était un cours qu’on donnait à tout le monde pour expliquer les différences culturelles. »
Laurène regrette que de telles initiatives soient encore rares au Québec. Cette polyvalence lui a permis de s’intégrer plus rapidement sur le marché du travail québécois, en capitalisant sur ses compétences universelles ajustant son approche aux réalités locales.
Supporter les nouveaux arrivants : une mission personnelle
Après plusieurs années dans le milieu corporatif, Laurène a décidé de redonner à la communauté en rejoignant l’équipe de GIT. « J’ai vu plusieurs personnes qui étaient dans des situations où elles avaient un bon bagage, une belle expérience, mais à qui il manquait quelque chose pour aller plus haut. C’est pour ça que j’ai commencé à faire de l’accompagnement et du coaching, parce que c’est quelque chose que je peux apporter au monde », explique-t-elle.
Pour Laurène, le problème ne vient pas du manque de formation des personnes immigrantes, mais plutôt du fait qu’elles ont tendance à accumuler des diplômes en pensant que cela leur ouvrira des portes. « La plupart des nouveaux arrivants ont déjà beaucoup de diplômes, parfois même trop. Mais ce n’est pas ce qui fait la différence sur le marché du travail. Ce qui leur manque, ce ne sont pas les compétences techniques, mais plutôt des compétences relationnelles. »
Elle observe que beaucoup d’immigrants se tournent vers des études supplémentaires plutôt que de miser sur l’expérience. « Je vois des gens avec des maîtrises en droit qui n’arrivent pas à décrocher un emploi dans leur domaine. Ils pensent que refaire une autre formation les aidera, alors qu’en réalité, c’est leur capacité à comprendre le marché du travail québécois et à tisser des liens qui fera la différence. Une fois qu’ils ont ces repères, leurs connaissances deviennent un véritable atout. »
Cette vision démontre que l’intégration professionnelle des immigrants ne repose pas uniquement sur la reconnaissance académique, mais sur un ensemble de facteurs incluant l’adaptabilité, le réseautage et la connaissance du marché du travail québécois.
Son premier conseil aux nouveaux arrivants? « Il faut commencer quelque part. N’importe quelle expérience qui va te donner l’opportunité de connecter avec du monde va être positive. Le pire, c’est de rester isolé. »
Réfléchissez-y!
Le parcours de Laurène est la preuve qu’avec de la détermination, de l’adaptation et un réseau, il est possible de rebâtir une carrière à la hauteur de ses ambitions au Québec. Et surtout, que l’immigration est une richesse, pour celles et ceux qui la vivent comme pour la société qui les accueille.
Ressources pour les nouveaux arrivants dans la ville de Québec.
Ressources pour les employeurs qui souhaitent favoriser l’inclusion de personnes immigrantes.
Cette entrevue a été réalisée dans le contexte du projet Immigr’Action, à travers duquel plusieurs organismes offrent des outils et ateliers gratuits pour préparer les employeurs à accueillir et à favoriser l’inclusion des personnes immigrantes. Tous les détails ici.
Chantal Martel
Conseillère en emploi et aux entreprises