Recommencer sa vie dans un pays inconnu demande une bonne dose de courage et de résilience. Pour Rawia Fredj, arrivée au Québec avec son conjoint et ses trois enfants, cette aventure a été marquée par des défis, mais aussi par des réussites inspirantes. Enseignante en Tunisie, elle a reconstruit sa carrière à partir de zéro, tout en affrontant les obstacles liés à son statut de nouvelle arrivante. Aujourd’hui, Rawia est un exemple vibrant de détermination, l’histoire d’une femme qui a trouvé sa place dans son pays d’accueil, grâce à sa persévérance et à sa force.
Pourquoi le Québec ?
Pour Rawia et sa famille, le choix de s’installer dans la province s’est imposé naturellement. Son conjoint ayant obtenu un contrat de travail à Québec et maîtrisant tous deux déjà le français (2e langue en Tunisie), ils n’ont pas hésité à se lancer dans cette nouvelle vie.
« Je crois que le Canada est le rêve de beaucoup de personnes. La réputation du système éducatif, la qualité des services, la sécurité et l’ouverture sur les autres cultures ont été des motivations pour faire ce choix de famille », partage Rawia.
Les défis de l’installation : recommencer à zéro et affronter les préjugés
Arriver dans un nouveau pays n’est jamais simple, alors imaginez pour une famille avec trois enfants.
« Nous avons laissé derrière nous une maison, une carrière et une famille. Mes enfants ont laissé leurs grands-parents, leur chambre, leurs jouets. Recommencer à zéro dans un appartement vide, sans réussir à trouver une garderie pour mes enfants, c’était très difficile. J’étais une femme libre, autonome et active en Tunisie. J’arrive ici et je me retrouve avec les trois enfants à la maison sans pouvoir travailler ni étudier. Tout est cher. Mon conjoint a un contrat de travail et moi j’ai un statut qui ne me permet pas de retourner aux études. C’était un choc. », se souvient-elle.
En plus des défis matériels, financiers et administratifs, Rawia a également dû affronter certains préjugés liés à son voile.
« Il y a 7 ans, quand je suis arrivée à Québec, beaucoup de personnes regardaient mon voile. Ce n’était pas comme maintenant où il y a plus de femmes voilées. Mais au début, moi, quand j’étais avec mon voile, il y a des personnes qui… on dirait qu’elles ont eu peur de moi. »
Malgré ces obstacles, Rawia a trouvé de l’énergie dans sa force de caractère, sa personnalité fonceuse, mais aussi dans l’accueil des Québécois. Une enseignante qui a offert des jouets à ses enfants ou des employeurs qui ont misé sur ses compétences sont des exemples qui l’ont marquée.
« À l’école, je me rappelle, l’enseignante a donné deux sacs de jouets pour mes enfants. C’était très gentil de sa part. Donc, c’était ça. J’ai vraiment apprécié sa générosité. »
Un parcours professionnel remarquable
Aujourd’hui, Rawia est responsable du service de garde scolaire. Mais ce succès n’a pas été instantané; il est le fruit d’une persévérance admirable.
« Tout d’abord, j’écrivais dans les groupes de garderies pour chercher une place pour mes enfants. Puis, j’ai eu une proposition d’une propriétaire : je travaille avec elle et mes enfants auraient une place. J’ai accepté et j’y ai travaillé quelques mois. »
Ce premier emploi a été une opportunité pour Rawia de s’intégrer progressivement dans le milieu de l’éducation. Cependant, elle avait d’autres ambitions. Une publication sur Facebook du Centre de services scolaires des Découvreurs a marqué un tournant dans son parcours.
« J’ai postulé comme remplaçante éducatrice au service de garde, un domaine où je me sentais à l’aise parce que j’étais tellement habituée à travailler avec les élèves de l’âge primaire. Et puis, tout ce que j’avais acquis en Tunisie, ça m’a aidée ici. Un enfant, c’est différent un petit peu selon la culture, mais ça reste un enfant. Donc, j’ai toujours devant moi la pyramide de Maslow, les besoins physiologiques, sécurité, amour et appartenance. Un enfant, que ce soit à n’importe quel endroit de la Terre, il a toujours ces besoins. Et puis, après une première année comme remplaçante, j’ai décroché un poste d’éducatrice au service de garde. »
L’obtention de son statut de résidente permanente a ouvert de nouvelles portes pour Rawia. Dès le jour où elle a reçu ses papiers, elle a entrepris des démarches pour réaliser un rêve qu’elle nourrissait depuis son arrivée : retourner aux études.
« Le jour même où j’ai eu mes papiers, j’ai envoyé ma demande. Je me suis tournée vers la reconnaissance des acquis (RAC) qui m’a permis d’accélérer le processus. J’ai pu étudier et travailler en même temps. J’ai fait l’attestation en outils professionnels avec le centre de formation Maurice Barbeau, puis l’AEC en éducation à la petite enfance au Cégep de Sainte-Foy et finalement, j’ai fait le DEC en petite enfance pour pouvoir postuler comme responsable au service de garde. »
Rawia a réussi à transformer un parcours semé d’embûches en une véritable histoire à succès, grâce à sa résilience, sa persévérance et sa force de caractère.
« J’ai beaucoup travaillé sur moi-même parce que j’ai vécu beaucoup de choses difficiles. J’étais dans les émotions, mais je suis forte de nature. Je me dis : tous ces obstacles à droite et à gauche, il faut les laisser à droite et à gauche. Tu vises un objectif et tu travailles juste sur cet objectif. »
L’importance de l’inclusion dans le milieu de travail
Pour Rawia, l’environnement inclusif offert par le Centre de services scolaires des Découvreurs a joué un rôle clé dans son intégration réussie. Dès ses premiers pas dans l’organisation, elle a été accueillie avec ouverture, respect et reconnaissance de ses compétences.
« Ils mettent l’accent sur les compétences et l’engagement de la personne, quelle que soit son origine. »
Rawia témoigne également de la chaleur humaine et de l’entraide qu’elle a trouvées au sein de son milieu de travail. Que ce soit pour des questions techniques ou relationnelles, elle a toujours pu compter sur le soutien de ses collègues et de ses gestionnaires. Les formations régulières et les rencontres organisées par le centre ont également été des leviers importants pour renforcer son sentiment d’appartenance.
Rawia raconte avec émotion une anecdote marquante : « Un vendredi où j’étais très fatiguée, ma directrice l’a vu et m’a envoyé un message pour me dire : « Tu es précieuse pour l’équipe. » Cette phrase-là a effacé toute ma fatigue et m’a donné encore plus envie de bien faire mon travail. »
Au-delà des mots, Rawia a constaté que ses idées et initiatives étaient écoutées et valorisées, ce qui l’a incitée à s’impliquer davantage dans son environnement professionnel.
« Quand j’ai proposé de refaire moi-même le site Web de l’école ou d’assumer le rôle de secrétaire au conseil d’établissement, ma directrice m’a fait confiance. Cela m’a non seulement motivée, mais aussi permis de montrer l’étendue de mes compétences. À ce moment, je me suis arrangée avec mon conjoint. Quand j’ai un conseil d’établissement, c’est lui qui gère les enfants, qui cuisine. Il est toujours à mes côtés, il m’aide toujours et m’encourage. »
Un autre aspect de l’inclusion qui a marqué Rawia est la diversité des équipes. Travailler avec des collègues issus de différentes cultures a enrichi son expérience et facilité son intégration.
« J’ai aussi eu la chance de travailler dans une équipe dont certains membres sont aussi issus de l’immigration. Cela a facilité mon intégration. Je ne me suis jamais sentie seule. Même si on ne vient pas du même pays, même si on ne vient pas du même continent, on travaille ensemble pour un seul objectif : le bien-être et la sécurité des enfants. »
Cette reconnaissance et cet environnement collaboratif ont permis à Rawia de s’affirmer pleinement dans son rôle, en s’appuyant sur ses compétences et sa détermination. L’expérience de Rawia montre à quel point un milieu de travail inclusif peut non seulement transformer la vie d’un employé, mais aussi renforcer la richesse et la cohésion de toute une organisation.
Des conseils concrets pour les nouveaux arrivants
À travers son expérience, Rawia a des conseils précieux à offrir à ceux qui s’installent au Québec et cherchent à s’intégrer :
- Faire une demande d’équivalence de diplôme auprès du ministère de l’Immigration
- Adapter son CV aux normes québécoises : « Mettez vos compétences en avant et structurez-le selon les attentes locales. »
- Poser des questions : « N’hésitez pas à poser des questions à vos voisins, vos amis et à chercher de l’information que ce soit sur les réseaux sociaux, les moteurs de recherche ou en allant dans des centres-conseils en emploi. Il existe beaucoup d’organismes et de ressources, n’hésitez pas à les utiliser. »
- Garder confiance en vos compétences : « Les immigrants, ils viennent avec des diplômes universitaires. On a un certificat de sélection de Québec. Ce n’est pas n’ importe qui qui a le droit d’immigrer ici. »
- Accepter le changement : « Ça, c’est très important. J’étais enseignante, je suis responsable. J’aime les deux, mais j’ ai accepté le changement. Il faut que l’acceptation vienne de moi. Puis, il ne faut pas abandonner. »
- Retourner aux études : « C’est très facile ici. Le Québec offre des programmes flexibles qui permettent de concilier travail et formation. »
Réfléchissez-y!
Rawia Fredj est un exemple vivant de ce que la détermination et la résilience peuvent accomplir. Son parcours est une preuve que, malgré les défis, l’intégration au Québec est possible avec du courage, de l’ouverture et un soutien adéquat.
« Je suis fière de moi. J’ai relevé tous les défis, et aujourd’hui, je vis pleinement ma passion pour l’éducation et le bien-être des enfants. »
À vous de jouer !
L’histoire de Rawia nous rappelle l’importance de valoriser la diversité et de créer des environnements de travail inclusifs. Si vous êtes un employeur ou un nouvel arrivant, n’hésitez pas à explorer les ressources disponibles pour faciliter l’intégration et maximiser votre potentiel au Québec.
Ressources pour les nouveaux arrivants dans la ville de Québec.
Ressources pour les employeurs qui souhaitent favoriser l’inclusion de personnes immigrantes.
Cette entrevue a été réalisée dans le contexte du projet Immigr’Action, à travers duquel plusieurs organismes offrent des outils et ateliers gratuits pour préparer les employeurs à accueillir et à favoriser l’inclusion des personnes immigrantes. Tous les détails ici.
